Les tromperies de Béziers
Publié le 1 Juin 2016
Arrivé dans la ville martyre de Béziers (qui se souvient du massacre de 1209 par les forces françaises et papales ?) pour le week-end organisé par Robert Ménard, certaines personnes déclarèrent avec ironie qu’ils furent trompés par le temps. Comment ? «Descendre » dans le sud, pour y trouver du gris, du vent et de la pluie ? Voilà qui n’était certainement pas « le deal ».
Tout le reste ne fut qu’un nuancier de cette ironie.
Personnellement, je sors de ce week-end assez meurtri et, peut-être un peu, désespéré par les politiques. Sans doute suis-je encore un peu naïf. Sans doute suis-je surtout animé de la conviction que seule une grande alliance de droite peut prendre le pouvoir dans ce pays et changer quelque peu les choses. Quoiqu’il en soit, je me suis trompé, et tout le monde a été trompé.
Ce rendez-vous de la droite organisé par Ménard devait poser les bases d’un mariage, ou, disons, d’une Union Civile, entre certaines forces du Front National lucides sur les limites de ce mouvement, et certaines forces de la droite classique, lucides, elles aussi, sur les besoins de celle-ci pour appliquer, un jour, une véritable politique de droite. J’ai parlé de l’exigence de ce mariage dans mon texte J’irai voir la droite à Béziers. Je n’y reviendrai donc pas.
A la vérité, personne, à Béziers, ne voulait de ce mariage. Chacun est venu avec son égo, ses arrière-pensées, ses gros sabots et ses petits bras. La fête du village gaulois a dégénéré en baston. Les romains continuent de rire aux éclats, et pas l’ombre d’une potion magique à l’horizon.
Valeurs Actuelles, présents en nombre et en moyens, n’avait évidemment pas comme objectif de servir la soupe au Front National. Journal de droite dure aux actionnaires par trop liés à certains responsables des Républicains, il n’avait logiquement pas licence, et certainement pas l’envie non plus, de vouloir aider Marine Le Pen. Marion Maréchal Le Pen, seule responsable politique de premier plan à avoir eu le courage de se déplacer (et n’importe quel militaire vous dira que les ponts sont les plus périlleux à traverser), a dû rebrousser chemin face à trop de déclarations hostiles à l’encontre de son mouvement.
Comment Marion aurait-elle pu faire autrement ? Vilipendée régulièrement à l’actuel direction du FN, accusée de la « jouer solo », de contester les axes stratégiques de sa tante et de Florian Philippot, elle ne pouvait rester tout sourire auprès de gens qui ne cachaient pas leur mépris pour le populisme mariniste. C’eut été franchir un rubicond que sa loyauté et son affectif familiale ne peuvent décider. Quelles que soient les idées de Marion Maréchal et sa lucidité sur la situation politique, elle demeure fidèle et tient à le rester.
Florian Philippot, plus malin, n’attendait que cela. Lui et ses troupes (10 personnes…), avaient déjà aiguisés leur tweets. Marion obligée de partir ? Bim ! Fiasco de Béziers ! Rassemblement d’extrême-droite ! Ménard traitre ! Ingrat ! Infâme ! Droitiers, droitistes, droitards : autant d’imbéciles naïfs ! Une seule solution pour le pays : tous au pas derrière Moi…arine !
Tout de même, Florian Philippot voudrait susciter une candidature à droite qu’il ne s’y prendrait pas autrement. Aiguillonner de la sorte 2000 personnes, les piquer, les insulter comme cela, alors qu’il aurait tout gagné de se taire, fût-ce en souriant, est profondément suspect. Les hypothèses sont légion : susciter une candidature à droite pour 2017, pensant qu’elle prendrait plus aux Républicains qu’au FN, accélérer la purge au FN de tout ce qui est droitier, ou simplement ne pas savoir se retenir dans sa jubilation haineuse contre tout ce qui ne lui ressemble pas. Impossible de savoir.
Et Ménard dans tout cela ? Je le crois sincère. Pris entre des frontistes qui ne veulent discuter que dans la mesure où, à la fin, il s’agira de se plier aux volontés de la chef, et entre une droite qui méprise radicalement l’équipe chevénementiste du FN, la position est difficile à tenir. J’entends partout que l’édile de Béziers aurait des velléités présidentielles. Je ne le sais pas, je ne le pense pas. Toutefois, à quelques-unes de ses maladresses dont il n’aurait pu que très difficilement faire l’économie, compte tenu de sa position inconfortable, ont répondu les méchancetés de Philippot et, par-là, il ne pouvait que se défendre et accentuer son trait, sauf à se dédire.
Tel fut le piège de Béziers. La tragédie était déjà écrite avant que le week-end commençât.
Et pourtant, il y avait là de braves gens. Beaucoup de petits entrepreneurs, d’anciens frontistes ou sarkozistes, qui seront bientôt tous des futurs ex-frontistes ou ex-sarkozistes à nouveau, car pas une ligne n’a bougé. La prime pour obtenir ce petit peuple de droite est facile à obtenir, tout dépendra de qui dégainera le premier. Si le candidat des Républicains durcit son discours sur l’immigration, il l’obtiendra. Si la candidate du FN tient un discours micro-économique plus étoffé en rognant quelque peu ses envolées macro, elle l’obtiendra. Qui dégainera le premier ? Nous verrons en 2017.