La semaine dernière
Publié le 13 Juillet 2015
Affaire Le Pen
Le Pen est une tête de mule. A 88 ans, il n'est décidément pas prêt à lâcher le morceau. Et ce morceau, le sien, sa viande grasse, c'est le parti frontiste. Celui-ci est tellement innervé de Lepénisme que je me demande parfois s'il serait toujours viable sans son fondateur. Certes, Marine, et maintenant Marion, perpétuent le mouvement du sang « Le Pen » dans la machine frontiste. C'est un peu l'essence du véhicule. Mais ce sang nouveau, si gorgé de qualité qu'il est, n'est pas aussi bouillant, aussi combatif, aussi retors même, que celui du désormais (encore) président d'honneur. Pourtant, Marine tient sa barque. Non seulement elle n'a plus besoin du père, mais il apparaît qu'elle a surtout besoin qu'il disparaisse. Elle s'est hissée à la tête du premier parti populiste français. Partis populistes qui, partout en Europe, sont assurés de faire au moins leur 20% à chaque élection. Mais le « produit » Marine est sans doute plus périssable que le « produit » Jean-Marie , et le « produit » Marion encore trop incertain. Le système a viscéralement besoin de son extrême-droite, et Jean-Marie, avec sa gouaille, ses épaules, son passé, avait pu signer un contrat à durée indéterminée avec lui. Quant au reste, rien n'est moins sûr. Alors, sans n'avoir aucune certitude en ce domaine, je me demande parfois si, d'une façon quasi mystique, le parti lepéniste pourrait survivre sans Le Pen. Je crois qu'avec la disparition du « vieux », la monarchie lepéniste, qu'il soutenait et encourageait sans cesse, dépérira naturellement. Dès lors, le mouvement patriote, incarné par le FN, a de fortes chances de changer profondément dans les années à venir.
Les leçons de Luciano
J'ai terminé ce weekend le testament du célèbre gangster américain Charles « Lucky » Luciano. Si j'étais producteur, je m'empresserai de réaliser une série sur sa vie, qui pourrait courir sur 3 ou 4 saisons tant sa vie relève du fantastique. Son succès serait phénoménal. Si passionnante qu'est sa vie, elle est aussi très éclairante. En terme de stratégie de puissance et de gestion des hommes, Luciano pourrait donner de sacrées leçons à nos hommes politiques. Intéressante fut aussi la plongée dans l'Amérique des années 20 à 60. Chez eux, pas de chichis, pas d'hypocrisie autour des communautés. Luciano prend un ami dont le nom a une consonance irlandaise (Costello) pour frayer avec les policiers et les politiques, car, selon lui, « ça passe mieux ». Il prend un ami juif pour s'occuper des comptes. Il réserve les postes stratégiques de cosa nostra aux siciliens. Et tout cela passe comme une lettre à la poste. C'est accepté. Normal. Aux Etats-Unis, on attribue des qualités et des défauts aux différentes communautés et on ne pleure pas sur les méchants amalgames. Cela n'empêche pas que des amitiés puissent naître sur les passerelles entre communautés, et que celles-ci puissent travailler ensemble, mais on assume les réalités. Encore une fois, puisque le phénomène communautaire existe désormais en France, je trouve qu'il est plus honnête et plus salutaire de lui retirer le mal supplémentaire qui consiste à le nier. Le défi du communautarisme est déjà assez conséquent pour qu'on lui retranche l'hypocrisie qui l'enveloppe.
La population grecque
J'ai souri quand j'ai vu se multiplier sur les réseaux sociaux les images d'hoplites athéniens ou spartiates s'opposant à la BCE et à l'UE allemande tandis que la crise grecque était à son acmé. En terme de population, je me suis amusé à dire sur Twitter qu'il y avait plus de rapports ethniques entre un allemand d'aujourd'hui et un grec des temps héroïques (Illiade) et classiques (Périclès) qu'entre ces mêmes hellènes et les grecs actuels. Achéens comme Doriens étaient des nordiques, alors que le grec qui vit désormais sous le soleil du Péloponnèse est plutôt sémite. Voilà un sujet qui est absolument tabou, et l'évoquer simplement est déjà un motif de suspicion. Pourtant, rien n'est plus exact que de constater qu'avec les métissages, les populations changent de visage, et la Grèce basanée d'aujourd'hui a autant de différences avec la Grèce antique qu'aurait la France du 19e siècle avec la France du 22e siècle qui aurait assimilée à elle les 20 millions de personnes d'origine africaine et maghrébine qui sont sur son territoire. Simples faits. Même pas de jugement de valeur. Juste l'ironie de voir les héritiers ethniques des hellènes (l'Europe du Nord) s'en prendre avec tant d'acharnement aux grecs qui, il y a deux mille ans, étaient leurs frères, quand ils ne sont aujourd'hui que leurs lointains cousins.
Le passé qui ne passe pas
De même, sur la Grèce, il est frappant de voir à quel point le passé, et même le très lointain passé, peut encore avoir une incidence sur les temps présents. Si la Grèce du 21e siècle importe tant dans le débat, c'est aussi – et peut-être surtout – parce qu'elle est encore éclairée du prestige de son antiquité. Sans ce prestige qui la fait reluire, la Grèce serait l'équivalente d'un pays comme l'Albanie ou la Moldavie, et, dirais-je un peu méchamment, tout le monde s'en foutrait un peu. D'accord, il y a ses jolies îles et son soleil, mais il y a surtout les ruines du Parthénon et ses noms éternels. Rien que les références à la démocratie prouvent cet étonnant phénomène : si on s'inquiète de la démocratie grecque face à la tyrannie de l'UE, c'est, pour beaucoup, parce qu'elle est née là-bas. Il est extraordinaire de constater à quel point le passé peut encore être un acteur majeur des canevas politiques contemporains.
Macron, le Roi et la France
Emmanuel Macron a été critiqué pour une réflexion qui me paraît tout à fait juste, et qui touche un point essentiel de la France. La république ne supporte pas qu'on puisse vanter les mérites de la monarchie, et encore moins qu'on lui rappelle que ce qui tient chez elle est, précisément, ce qui a été directement emprunté à la monarchie. L'incarnation d'une Nation dans un homme. Un point pivot vers lequel va la volonté générale. Autrefois le Roi, désormais le président. Macron, homme cultivé, sait cela. Il doit savoir que cela tient au caractère très particulier de la nation France, caractère qui est à la fois sa plus grande faiblesse et sa plus grande force. Nation culturelle, construction historique sur un amas de peuples différents, sa puissance réside dans une unité qui se doit d'être incarnée, et sans laquelle elle retombe comme une famille éclatée qui n'aurait plus de papa pour guider et sévir. Je crois toutefois que ce caractère est désormais trop accusé, et que les contradictions internes françaises sont si grandes qu'il est quasiment impossible que la Nation se recoiffe d'elle-même d'un monarque ou d'un Bonaparte. Ces contradictions vont s'aiguiser encore un peu plus avec le temps, d'autant que sont venues s'ajouter à elles des nouvelles contradictions appartenant à l'immigration et au multiculturalisme. Ces poids et ces réalités devraient accompagner la nécessité d'une nouvelle réflexion sur l'Etat, réflexion qui pourtant est totalement inexistante aujourd'hui, tant la pensée intellectuelle et politique ne fait que s'acharner à ne vouloir que restaurer. Quand on aura compris que l'Histoire ne restaure jamais rien, j'ai parfois peur que ce sera trop tard, et que celle-ci nous sera passée dessus.