Commentaires sur la droite pour les années à venir
Publié le 27 Mai 2017
Cet article fait suite au numéro 4200 de Valeurs Actuelles (du 25 au 31 mai 2017)
Je lis dans le Valeurs Actuelles de cette semaine un dossier complet sur la droite, c’est à dire celle qui part de Laurent Wauquiez jusqu’à l’aile droite du FN, en passant par Sens Commun et, dans une moindre mesure, Nicolas Dupont-Aignan. En résumé : cette droite qui se cherche et qui n’est bien nulle part, en particulier dans les partis politiques existants. Ce « point » réalisé sur la droite véritable est sans doute le premier d’une longue série, car, à moyen-terme, tout porte à croire que le sujet de la refondation de la droite, face à Macron, et face au FN version PCF souveraino-souveraniste, sera un thème politique majeur de ces prochaines années. Occasion pour nous de faire quelques commentaires.
Les partis politiques ont échoué
Le premier de nos commentaires portera sur la nature et l’efficience même des partis politiques pour porter nos idées. Une leçon de la campagne présidentielle fut le rejet des partis politiques classiques (Les Républicains, le Parti Socialiste, le Parti Communiste, et, dans une certaine mesure, le Front National) pour privilégier plutôt des mouvements de types nouveaux tels que « En Marche » ou « Les insoumis ». Ce processus entérine la défiance vis à vis des vielles structures et la goût pour les nouveautés, propre à notre siècle. A droite, une véritable réflexion doit s’opérer sur le sujet, car s’il y a bien dans un camp que les partis ont échoué plus qu’ailleurs, c’est chez nous. Regardons les choses clairement : les deux partis existants, Les Républicains et le Front National, sclérosent les bonnes volontés et entrainent dans leur pesanteur tout espoir de refondation véritable. L’un et l’autre s’assoient sur leur base électorale et sociologique, les stérilisent et les condamnent à l’impuissance. L’appareil politique des Républicains est gangréné par une multitude de centristes ayant plus à faire avec Macron qu’avec le moindre petit électeur qui votait auparavant RPR. Dès lors, les militants peuvent voter, lors de leur Congrès, pour des motions de « droite forte » ou de « droite populaire » sans infléchir aucunement la tendance lourde du mouvement à basculer toujours au centre. Cette droite, face au défi Macron, a déjà commencé à se fissurer. Quant à celle qui tient encore un peu debout, elle se prépare, contre Macron, à fabriquer une opposition qui se limitera à des questions économiques d’importance ridicule, sinon absurde. Déjà, dans cette campagne législative, l’opposition se cristallise autour des points de TVA ou de CSG. Baroin a tenté une sortie pour définir sa droite, et celle-ci se circonscrit manifestement à la question des impôts. Qu’est ce qu’une droite dont le seul projet de société serait de baisser les impôts ? Et pourtant, Wauquiez mis à part, la plupart des impétrants aux législatives, du côté des Républicains, n’ont que cela en tête, étant entendu que les leur ne sont, hélas, ni bien faites ni bien remplies.
Du côté du FN, Marine Le Pen s’est enfermée dans un piège dont elle ne pourra sortir sans difficultés majeures. La toute-puissance stratégique qu’elle a laissée à Philippot, couplée aux philippotistes bien placés pour les législatives, la met face à un dilemme inextricable. Florian Philippot ayant habilement, et, aussi, notons-le, courageusement, brandi la menace de son départ en cas de modification de sa stratégie (notamment sur l’euro), Marine Le Pen se doit de choisir entre deux inconvénients : soit elle ne change rien, sinon la façade, et persiste à donner un chèque en blanc stratégique à son lieutenant, ce qui l’expose, en conséquence, à subir une fronde majeure à l’intérieur même de son mouvement, soit elle assume un revirement stratégique et souffrira sans discussion du départ de Philippot et de ses hommes. Si elle opte pour la deuxième solution, Marine Le Pen sait qu’elle connaitra alors les foudres médiatiques qui ne manqueront pas d’interpréter son départ comme l’échec de la professionnalisation et de la dédiabolisation du FN, deux éléments que Philippot a su, bien illégitimement, incarner à lui tout seul dans le vieux parti nationaliste. Marine Le Pen est donc bloquée, et elle est trop intelligente pour ne pas le savoir. Ceci n’est, sans doute, pas étranger à la petite dépression qui la mine actuellement. Hélas pour elle, il lui sera de toute façon difficile d’opérer un virage de 180 degrés sur sa stratégie : son débat a laissé trop de traces et il lui sera impossible d’incarner demain celle qui pourrait rassembler la droite. En conséquence, le FN, même sous un nouveau nom, risque de stagner bien inutilement dans les années à venir. Il ressemblera de plus en plus au PCF des années 70 : assis sur une grosse base populaire mais incapable de le dépasser, il stérilisera tout une partie de l’électorat sans promesse de victoire. Gageons que de nombreux cadres de ce mouvement se contenteront de cette rente électorale pour continuer de gagner leur vie et d’empêcher aussi, à l’instar des Républicains, toute refondation utile.
Les orphelins
Au milieu de ces engeances, désespérés et lucides, vont vivre de plus en plus d’orphelins qui ne se reconnaitrons plus dans ces deux vieux partis ‘’de droite’’ (les guillemets sont, hélas, de rigueur). Même si ces gens seront nombreux, intelligents et plein de bonnes volontés, ils vont s’exposer à deux soucis majeurs : d’une, nous venons de l’évoquer, à la pesanteur des partis existants. De deux : aux attaques continuelles de la gauche et de ses relais médiatiques. Ceux-ci ont déjà compris que le danger, pour eux, pourrait venir de là, et ils ne manqueront donc pas de diaboliser tout rapprochement de la droite. Je le vois rien qu’à mon échelle : à la question « pourrais-tu participer à cette refondation de la droite ? » suit toujours immanquablement « ne penses-tu pas que tu es trop grillé ? ». Autant que je sache, je ne grille qu’au soleil. Et pourtant, cette question, étonnamment, se pose, vicieuse, malveillante, perverse au possible. Moi ? Grillé de quoi ? D’avoir rejoint le FN quand j’avais 20 ans pour le quitter ensuite ? Cela grille ? Jusqu’à quel point ? Ridicule. Et le même procès est intenté, sous des intitulés différents, certes, aux membres de la droite véritable, à Sens commun, aux buissoniens en tous genre, censés vouloir faire « gagner Maurras » plutôt que la France, et tutti quanti.
En conséquence, et ce sera là notre deuxième commentaire, cette droite qui veut vivre et gagner aura pour deux objectifs d’être capable de penser, d’abord, en dehors des partis existants (un mouvement d’un type nouveau se monte tellement vite…), puis de savoir résister aux journalistes et aux oukases. Non, cette droite n’est pas d’extrême-droite. Nous en avons assez de cette façon de penser diabolique qui consiste à situer à l’extrême-droite tout ce qui n’est simplement pas de gauche. L’extrême-droite répond à une définition politique assez claire : racisme, antisémitisme, volonté de prendre le pouvoir par la violence. Cette droite qui veut vivre n’a donc aucune de ces caractéristiques et elle porte seulement des valeurs, une vision, un projet, qui, certes, ne sont pas de gauche. Elle est la droite, point final.
Aussi, si ses représentants parviennent à injecter dans leur sang un peu de fronde, pour échapper aux partis, et un peu de courage, pour cesser de trembler face aux journalistes, l’espoir lui sera rendu. C’est à ces conditions qu’elle pourra être une force, et une force, permettez-moi, en marche.