Sur l'immigration, droite et gauche votent mal

Publié le 7 Mai 2016

Sur l'immigration, droite et gauche votent mal

Le paradoxe des électorats

Je discutais la semaine dernière avec un intellectuel qui s’apprête à sortir un important livre d’enquête sur la crise identitaire Française. Débattant ensemble pour les besoins de son étude, je lui évoquai ce qui me paraissait être un sacré paradoxe de notre vie politique. Ce paradoxe est celui du vote des électorats de droite et de gauche au sujet de l’immigration.

Le désir de l’électorat de droite et de gauche

En simplifiant les choses et en grossissant les traits, on pourrait diviser l’électorat français en deux au sujet de l’immigration : l’un veut la séparation, l’autre l’unité.

Celui qui veut désormais la séparation est l’électorat que l’on pourrait appeler « de droite ». En somme, c’est le parti des gens qui râlent, qui n’en peuvent plus, qui ne veulent plus du « vivre-ensemble ». Leurs désirs est de se séparer des populations d’origine immigrée, en les fuyant géographiquement quand ils le peuvent, et en souhaitant les réduire (volonté d’arrêter l’immigration, ou même d’en « réémigrer » un maximum), sinon de les contraindre violement. Cet électorat vote Front National ou pour un candidat de la droite classique quand celui-là veut bien tenir un discours « dur » sur la question (comme Sarkozy durant ses deux dernières campagnes présidentielles).

Celui qui veut l’unité est l’électorat de gauche. Il s’agit de l’électorat français qui croit au respect, à l’égalité et à la fraternité entre les hommes et qui souhaite par dessus tout un métissage heureux. Il nie les fractures entre les populations (et lorsqu’il les voit quand même, il les attribut aux prêcheurs de haine, qu’ils soient d’extrême-droite ou salafiste). Son but, son rêve, est l’unité d’une population française quelles que soient ses bigarrures et sa diversité. Cet électorat vote généralement pour le Parti Socialiste ou le Front de Gauche

Les conséquences inverses de leur vote

Pourtant, il apparaît que le vote de l’électorat de gauche et celui de droite se portent sur des candidats et des discours qui, malgré les apparences, conduisent à l’inverse de leur volonté première.

Le programme et les discours du Front National et de la droite « dure » ont en réalité l’ambition de l’unité. Leur objectif est l’assimilation qui, précisément, est la praxis unitaire la plus accomplie. En régulant l’immigration, en punissant vraiment les délinquants pour dissuader leurs méfaits de tous les jours, en valorisant une culture française dans sa version universaliste et culturaliste (« est français celui qui respecte les mœurs et la culture française »), c’est à dire exactement  ce que se proposent de faire les « droites », alors et alors seulement la possibilité d’une unité prochaine se rendrait peut-être probable. Le vernis de l’assimilation appliqué à tous, toutes races et religions confondues, permettrait de différer, voire de supprimer, la dislocation de la société française prévue et déjà à l’œuvre.

Premier paradoxe donc : l’électorat qui veut la séparation vote en réalité, sans le savoir, pour l’unité.

Quant aux programmes dits « de gauche », tous concourent le plus surement à la séparation. Sous les discours des prétendues « valeurs de la République » et du métissage chantant et chanté en permanence, la gauche a abandonné l’assimilation pour l’idée d’une société multiculturelle dans laquelle tout le monde conserverait la fierté des racines et leur culture d’origine. Mieux que cela : les minorités et leurs spécificités sont défendues et promues en vertu – et en vertu seule – de leur condition de minorité. Et mieux encore, pour des raisons électorales, la gauche se permet de flatter les différentes communautés allogènes tout en exaspérant dans le même temps la communauté de souche, encore majoritaire et dépositaire depuis des siècles de la France. Rien ne pourrait, en définitive, plus générer de la séparation communautaire que ce type de politique. Pour preuve la crise identitaire violente dont nous ne vivons que les prodromes, conséquence directe de cette politique qui a présidé au traitement de l’immigration en France depuis plus de 30 ans.

Deuxième paradoxe donc : l’électorat qui rêve sincèrement d’unité vote en fait, sans le savoir lui aussi, pour la séparation.

Facéties quand l’Histoire pourrie

Marx reconnaissait lui-même qu’à certaines périodes historiques, l’Histoire n’avance ni ne recule pas, elle pourrie. Ces moments sont des tourbillons d’incohérence, de velléités inconséquentes, de rêveries inutiles. Nous vivons cette époque là. Sans doute, les choses sont plus compliquées que cela et ce paradoxe n’est pas aussi marquée qu’il semble l’être. Mais toutefois : se dire qu’un identitaire sérieux qui veut de toute sa colère la séparation, ferait mieux parfois de voter François Hollande, et qu’un idéaliste de gauche, plein de bons sentiments, ferait mieux de voter Marine Le Pen s’il souhaite véritablement qu’un jour des hommes de cent couleurs différentes soient main dans la main, est une facétie de l’Histoire qui mérite, sinon que l’on s’y attarde, au moins que l’on en sourit un peu. 

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I
La gauche renforce le communautarisme allogène tout en prônant l'universalisme pour les indigènes... Seuls les natifs doivent êtres universalistes, si ils ne le sont pas, ils seront qualifiés par les termes diabolisants d'extrême droite ou de raciste, quand l'allogène non universaliste sera lui qualifié au mieux d'anti raciste, au pire de communautariste. Mais de moins en moins la gauche reproche un communautarisme allogène.<br /> Il n'y a plus de droite, la droite est devenue la gauche et defend la republique universelle, la gauche elle est devenue le parti de l'étranger.
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G
l'Histoire n'avance ni ne recule, elle pourrie ???? apprends el français, bilout'
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L
Analyse très intéressante. Cependant, au-delà des discours et des valeurs mises en avant, on devrait s'attarder sur les comportements des intéressés. Les électeurs de gauche s'ils proclament vouloir l'unité, fuient également les zones à forte concentration immigrée quand ils le peuvent (le fameux bobo qui met ses gamins dans le privé). <br /> <br /> Si on s'appuie sur les travaux de Todd dans Qui est Charlie?, l'électeur FN lambda est anthropologiquement dans une échelle de valeurs égalitaire (bassin parisien élargi, Nord et pourtour méditerranéen) et donc assimilationniste tandis que l'électeur PS lambda a un logiciel différentialiste issu d'un système de valeurs inégalitaire, d'où son multiculturalisme. <br /> <br /> Bien à vous, http://la-centrale-a-idees.over-blog.com
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A
Très bien vu. J'ajoute ceci, qui n'est pas destiné à apparaître en ligne<br /> Il y a 3 fautes d'oothographe évidentes dans le § de conclusion (par ex "pourrie" au lieu de "pourrit", et à l'inverse "sourit" au lieu de "sourie") : cela déparre ce billet très judicieux
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C
Toujours pas corrigé deux jours après...
G
La plupart des électeurs de droite veut la séparation sur un critère culturel, et non racial. En promouvant l'assimilation (et la remigration de ceux qui refusent de s'assimiler), je ne pense pas qu'ils votent contre leurs intérêts.
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